AYAHUESQUOI ? PART III - La ligne verte
“J’étais venue chercher la lumière et on me ramenait dans le noir. Par les pieds.”
Collage littéraire autour d’une première cérémonie d’Ayahuasca, de la Ligne Verte, du ridicule et du curseur d’intensité. On va faire un effort de présentation, recevoir un conseil d’un guerrier en charentaises, se faire fouetter avec un balai et avoir peur dans le noir. Entre autres.
Promenade de 5 pages, 13 minutes, 3070 mots
…
À force d’être malheureux on finit par devenir ridicule.
Expédition nocturne autour de ma chambre, Xavier de Maistre
Avec mon curseur bloqué sur une intensité maximale, j’appréhendais donc la vie selon un seul principe : Tout n’était qu’une question de vie ou de mort.
J’ai toujours eu le sentiment d’avoir été mal câblée à l’usine. Je suis arrivée avec des malfaçons et des imperfections grossières, comme si les ouvriers avaient bâclé le travail pour avoir les meilleures places à la cantine. Par exemple mon curseur d’Intensité était complètement défectueux et semblait avoir été monté carrément avec les pieds. Parce qu’il était bloqué sur : Intensité Maximale, le Réel et le Ressenti semblaient venir de deux mondes complètements différents comme la police et les manifestants. Mon père m’a très vite appelée « La princesse au petit pois », et pour cause, une simple écharde me faisait l’effet d’une amputation du pied, un chou de Bruxelles m’arrachait des sanglots de dégoût, un chagrin d’amour et ma vie était finie, on m’oubliait au deuxième service de frites et je le prenais comme le pire manque de respect qu’il ne puisse JAMAIS exister. Ma sensibilité n’avait en plus aucune limite, je pouvais sentir mes os pousser, un grain de sable au fond de ma chaussure ou encore les chagrins dont on ne parlerait jamais.
Avec mon curseur bloqué sur une intensité maximale, j’appréhendais donc la vie selon un seul principe : Tout n’était qu’une question de vie ou de mort. Alors lorsque je descendis l’escalier de ma chambre Carotte pour me rendre à ma première cérémonie d’Ayahuasca, je fus très surprise de découvrir un nouveau niveau d’intensité que je ne connaissais pas, encore plus violent que le Maximal, le niveau nucléaire.
J’en avais déjà vécu pas mal des premières fois, mais aucune ne ressemblait à celle-ci. La première colo, le premier voyage en avion, la première fois sur scène, le premier examen, le premier enterrement, le premier baiser, le premier chagrin, le premier os cassé, le premier job… Toutes avaient été précédé d’une macédoine d’angoisse et d’excitation, de terreur et de curiosité, de peur et de joie. Elles ont toutes été différentes mais je me suis sentie vivante dans chacune d’entre elles. Avec cette première fois-là, je ne ressentais qu’une énergie nucléaire dans toutes les secondes qui me séparaient de l’expérience.
Je me sentais marcher sur la ligne verte, tout droit vers la chaise électrique.
Je ne sais toujours pas si je croyais vraiment qu’une Voix mystérieuse allait me révéler le secret du Sens de la Vie. Je pressentais plutôt que les choses n’allaient pas se dérouler exactement comme dans mon fantasme où il me suffisait de l’interpeller à la manière de : Ok Google ! pour qu’elle me fournisse le mode d’emploi de mon modèle. Et comme un meuble Ikea, j’aurais pu me remonter à l’endroit et rafistoler tous les défauts de fabrication. Je flairais que derrière l’illusion des tongs du Chamane, quelque chose de très grave était en train de se produire. Je me sentais marcher sur la ligne verte, tout droit vers la chaise électrique.
Plus qu’une voix, des mots, un manuel d’instructions, c’était un miracle dont j’avais besoin pour sortir de mon infection existentielle et de cette situation burlesque.
Alors je ne sais toujours pas si j’y croyais vraiment, mais cette nuit-là je sus avec certitude que j’allais mourir si le Président des États-Unis n’appelait pas tout de suite-maintenant.
Comme dans toutes manifestations de miracle, rien ne laissait présager qu’il pouvait se produire. Le président des États-Unis appelle rarement une minute avant l’exécution pour tout annuler et il me semblait vraiment peu probable que le miracle puisse sortir d’une bouteille en plastique usagée. Alors je ne sais toujours pas si j’y croyais vraiment, mais cette nuit-là je sus avec certitude que j’allais mourir si le Président des États-Unis n’appelait pas tout de suite-maintenant. Çà n’était plus une question de vie ou de mort rhétorique, une image lyrique, une hyperbole grandiloquente de mon cœur bloqué sur Intensité Maximale, j’arrivai déjà au bout de la ligne verte.
Encore une fois, mon Réel et mon Ressenti pointèrent dans des directions opposées, et ce sentiment d’étrangeté cocasse me sortit pour quelques derniers instants de la lourdeur de ma condition de condamnée à mort. Je parcourus les derniers mètres qui me séparaient de mon destin, vacillante et débordée par le matériel conseillé au bon déroulement de la cérémonie, mon seau, les deux énormes oreillers de ma chambre et la grosse couverture qui s’échappaient de mes petits bras. L’antichambre de la chaise électrique ressemblait à un hall de la sécurité sociale. Et je découvris ébahie la tenue de mes sept collègues séminaristes. J’avais lu quelque part que l’on appelait « les guerriers de l’âme » ceux dans les tribus amazoniennes qui participaient à des cérémonies d’Ayahuasca. Mes « guerriers de l’âme » étaient tout bonnement en pyjamas devant moi. Je ne parle pas ici de jolies tenues confortables et élégantes non, mais d’une armée de joggings, chaussettes de ski et sweats dépareillés, informes et négligés. On ne partait pas à la guerre, on partait plutôt pour un marathon « Seigneurs des Anneaux » après un réveillon de Noël trop copieux. On reconnaissait les confirmés aux débutants par la qualité de leur équipement. Ceux-ci avaient apporté leurs oreillers et duvets personnels. Le plus expérimenté d’entre nous arborait carrément de tranquilles charentaises.
J’avais mis toutes les chances de mon côté, si ce n’était pour susciter le désir et la curiosité de la Voix, au moins lui faire une bonne impression.
Il y a pour moi quelque chose d’officiel et de solennel dans le mot Cérémonie. Jamais je n’aurais pensé associer les mots Cérémonie et charentaises par exemple. En dépit de tout l’humour dont je peux me flatter, je suis très premier degré. Un de mes plus grand paradoxes est de tout prendre très sérieux tout en étant (parfois ou souvent) capable de contempler l’ensemble avec une légère désinvolture. Tout a toujours été une question de vie ET de mort, très grave et très léger. J’avais beau douter du succès et du sérieux de « La Chamanerie », je m’étais fait jolie pour la cérémonie. Parce que la foi, parce qu’on ne sait jamais, parce que mon obsession du costume. (Cf ma théorie du goût de la crêpe en bigoudène de L’Ayahuasca-Part II).
On m’avait sensibilisée à plusieurs points : les vêtements de cérémonie d’Ayahuasca doivent être clairs, j’allais avoir très froid et l’importance d’habits confortables et pratiques. Le confort n’empêchant pas l’élégance, je m’étais parée de jolis habits d’intérieur. Un sous-pull de ski blanc, une chemise blanc cassé au motif hirondelles sous un charmant pull cachemire écru offert par mes grands-parents, sur un pantalon souple blanc rayé beige qui me faisait de très jolies fesses. Mes cheveux étaient remontés sobrement en position chignon de danseuse. Simple, joli, efficace. J’avais mis toutes les chances de mon côté, si ce n’était pour susciter le désir et la curiosité de la Voix, au moins lui faire une bonne impression.
Je ne sais pas pourquoi je me sentis bête à cet instant. J’étais la seule à avoir fait un effort de présentation. Soit j’étais vraiment la personne la plus polie et respectueuse de la pièce, soit quelque chose m’avait complètement échappée et je n’avais vraiment rien compris. Je ricanais en prononçant dans ma tête les mots : Chamanerie, Tchou-Tchou et Guerriers en pyjamas, alors ce n’était peut-être pas la première option.
Devant mon air déstabilisé, le soldat aguerri en charentaises se pencha vers moi et planta ses yeux solides dans les miens :
« Respire bien pendant la Cérémonie. Et souviens-toi, ça va passer. Tout passe. Tu as compris ? »
AH. Quelque chose avait dû m’échapper. J’avais compris ce qu’il m’avait dit mais je ne comprenais pas pourquoi il me le disait. Ses paroles eurent l’effet d’effacer le hall de la Sécurité Sociale et de me ramener au bout de la ligne verte. Soudain la voix du chamane se fit entendre derrière la porte de la grande salle et nous invita à entrer dans la chaise électrique.
Le jour était presque éteint et la grande salle m’apparut minuscule. Derrière mon équipement trop gros pour moi je distinguai huit matelas disposés contre les murs aux quatre coins de la pièce. Les expérimentés sur les côtés et les débutants face aux chamanes. On m’indiqua ma paillasse où je jetai tout mon fourbi. Je m’assis en tailleur et découvris avec une surprise grandissante le secteur Chamanerie face à moi. Niveau scénographie, on pouvait noter une amélioration sur les costumes. Les deux chamanes étaient habillés avec des habits écrus en lin, pas vraiment à la pointe de l’élégance mais qui avaient le mérite de ressembler à des vêtements traditionnels. En revanche, sur le décor et la mise en scène, on pouvait aussi noter une constante dans la pacotille ostentatoire. Tout faisait plus Cochonnerie que matériel chamanique professionnel. Les chamanes en costume trônaient sur deux chaises de camping défraîchies, plusieurs sacs Super U contenant les fameuses bouteilles en plastique les encerclaient. Il ne manquait plus que la glacière et nous étions à un championnat de pétanque. Sérieusement ? On ne pouvait pas faire un effort de présentation ? De jolies boîtes pas chères chez Ikea, quelques bouteilles en verre recyclées, de jolis tissus sur les chaises de camping et boum, on tenait là une Chamanerie plus sérieuse et convaincante. Avec rien, on peut arriver à tout.
J’oscillais entre exaspération, ricanement, surprise et angoisse. J’avais beau m’amuser des détails et de la situation, je sentais les liens en cuir de la chaise électrique s’enrouler autour de mes poignets.
Les deux chamanes nous expliquèrent le déroulement de la cérémonie. Je n’ai qu’un vague souvenir de cette partie. Ce n’était qu’un plan de travail et des consignes interminables sur une réalité que je n’arrivais à saisir et je me sentais déconcentrée par l’angoisse. Ne pas se lever et danser, prévenir lorsqu’on va aux toilettes, ne toucher aucun autre participant, un premier verre, puis un deuxième si les effets …, gna gna gna, vous recevrez un chant individuel, gna gna gna… Je me réveillai au milieu de la liste des effets désagréables comme le froid intense, un désordre au niveau du ventre, nausées, vomissements, diarrhée… La panique m’absorba complètement. Je raccordai cette information avec la consigne de ne pas allumer les lumières pour aller aux toilettes en raison d’une trop grande sensibilité oculaire sous Ayahuasca. J’avais déjà peur d’aller aux toilettes dans l’obscurité alors si en plus j’étais malade. Tout sauf la diarrhée. Tout sauf la diarrhée. Tout sauf la diarrhée. Le vomi je suis pas chaude mais c’est d’accord, mais TOUT SAUF LA DIARRHÉE. S’il-vous-plaît Madame Ayahuasca. Je vous implore.
Putain. Chiotte. Merde. On annule tout. On rentre à Paris. Ctl Z. Rewind. Rewind. Rewind.
La présentation s’acheva et milles questions techniques restées sans réponses tournaient avec fureur dans ma tête. Il n’était vraiment pas clair le briefing. C’est quoi la procédure ? Yeux ouverts ? Yeux fermés ? Les hallucinations c’est dedans ou dehors ? Que regarde-t-on d’ailleurs ? Et pourquoi on aurait une envie irrépressible de danser ? Quand vous dites « Froid intense », on est plus sur un hiver d’un climat tempéré ou plutôt pôle Nord ? …
Toutes mes grosses chaussettes en laine étaient sombres et j’avais mis un point d’honneur à me colorer de clair jusqu’aux orteils. Je regrettai d’avoir mis des petites socquettes en coton blanches. Si le froid était aussi intense que sur la banquise, j’allais jamais tenir le coup. Je suis trop con, j’aurais dû prévoir. J’avais bien une paire de chaussettes de rando écrues mais ma coquetterie les avait écartées du sac du voyage à cause d’un rectangle jaune fluo sur les tranches intérieures. Si j’avais su. Quelle gourde. Ils ont l’air trop bien tous avec leurs chaussettes moches et leurs joggings en polaire. Il est fin quand même ce petit pantalon. C’est du pantalon d’été ça, pas du tout d’hiver. Putain. Chiotte. Merde. On annule tout. On rentre à Paris. Ctl Z. Rewind. Rewind. Rewind.
La chamane appuya sur l’interrupteur et éteignit les lumières.
Ce fût peut-être la plus grosse surprise de la soirée. Je savais que la Cérémonie se déroulerait la nuit tombée, mais je ne sais par quel miracle je n’avais à aucun moment pensé qu’on éteindrait les lumières et que la Cérémonie se déroulerait dans le noir. Naïf sans de doute de ma part, après tout je n’avais vu jusqu’ici que ce que j’avais eu envie de voir. J’ai toujours eu peur du noir. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps je courrais encore dans le couloir pour atteindre les toilettes la nuit, et réveillais mon compagnon avec un plongeon dans le lit qui clôturait ma course-poursuite avec le noir. Je ne sais même plus ce qui m’effrayait, il était juste insoutenable d’être dans le noir. Il restait deux petites bougies chauffe-plat dans la salle. J’aurais préféré une veilleuse mais c’était mieux que rien. Mon Dieu. Qu’est-ce que j’avais imaginé ?
J’avais visualisé les « guerriers de l’âme » amazoniens autour d’un feu pour leur cérémonie, j’espérais peut-être que nous nous éclairerions avec une jolie cheminée. Quelle déception. J’étais venue chercher la lumière et on me ramenait dans le noir. Par les pieds.
Avec un mélange de gargarismes, tchou-tchou et gnagnagnagna, les chamanes semblèrent opérer un rituel sur l’Ayahuasca. Entre l’un secouant les bouteilles en plastiques et l’autre crachant le jus de plante aux quatre points cardinaux, j’étais de plus en plus déconcertée par la cocasserie de ma situation.
« Sarah ! » retentit soudain dans l’obscurité. Je me levai doucement, effrayée à l’idée de traverser ces quelques mètres dans le noir. La Chamane me tend un petit verre. Je le bois cul sec. Qu’on en finisse. Je ne peux pas décrire à quoi l’Ayahuasca ressemble, c’est juste du jus épais de Dégueulasse. C’est poisseux, ça colle, ça empeste, dans le nez, dans la bouche. C’est amer, rance, âcre. Dégueulasse. Un gargouillis dans le ventre remercia le chamane et je repartis sur ma couche. Quand tous les collègues furent servis, les chamanes préparèrent l’espace avec un nouveau curieux rituel impliquant un large éventail de feuilles séchées et une nouvelle bouteille en plastique remplie d’un monstrueux parfum de lavande à vous rester dans le nez pour au moins trois semaines. Ils passèrent devant chacun d’entre nous, l’un pour nous tapoter fébrilement le dos, la poitrine et la tête avec ce qui ressemblait plus à un gros balai artisanal en feuilles mortes qu’à un éventail, l’autre pour nous cracher dessus la monstrueuse lavande.
Ensuite le « concert » a commencé. Leurs deux voix, un tambour et un instrument que je n’avais jamais rencontré pour « guider la plante dans nos corps ». On m’avait vendu la beauté des chants des deux chamanes avant mon inscription et à cet instant je ne voyais absolument pas où se cachait la beauté là-dedans. Je ne pouvais pas appeler ça un chant, je le percevais comme du bruit, ou plutôt un chaos de bruits plus vilains les uns que les autres. On aurait donné des harmonicas, des flûtes et des tambours à une classe de première année de maternelle, on aurait été sur le même niveau d’harmonie. Je pressentais que la justesse et la musicalité n’étaient pas le but de cette cacophonie mais je ne comprenais pas que l’on puisse ainsi se passer d’un peu de beauté. La musique était à l’image de la scénographie et la devise de cette mauvaise pièce de théâtre semblait être : « Pourvu que ce soit moche ! ».
Non, c’était moi qui étais ridicule. J’en étais là. Perdue dans une soirée pyjama-mystique au Portugal, je me faisais cracher dessus par un mec en tongs et fouettée par un balai de nature morte. J’en étais là…
C’était encore pire que : « Une femme prend une plante hallucinogène pour trouver un sens à sa vie. Et puis rien. ». Cocasse n’était pas le bon mot pour l’histoire que j’allais ramener à Paris. Ridicule était beaucoup plus approprié.
Le ridicule ne venait pas des chamanes, de la scénographie ou de l’exotisme burlesque. Non, c’était moi qui étais ridicule. J’en étais là. Perdue dans une soirée pyjama-mystique au Portugal, je me faisais cracher dessus par un mec en tongs et fouettée par un balai de nature morte. J’en étais là… Tellement malheureuse que j’étais prête à croire et faire n’importe quoi.
Le barrage d’ironie qui me protégeait jusqu’ici et me tenait à une distance raisonnable de la cruelle réalité céda brusquement. Mon premier degré pourtant très fidèle m’avait aussi abandonnée. Il ne restait plus que moi et je me sentais incroyablement seule. Rien n’était ni léger ni sérieux, et tout était juste ridicule. Un fou-rire irrépressible m’envahit. Je riais comme j’aurais pleuré, en sanglotant. À quel moment ma vie était devenue une blague ?
Sinon c’est quand que ça devient sympa ? C’est quand qu’on voit des trucs ? C’est quand qu’il se passe quelque chose ? Ça fait bien une heure qu’on poireaute comme des cons. Ça dure combien de temps cette connerie d’ailleurs ?
Je tentai de dissimuler mon état dans mon col de chemise en attendant que mon éclat de lucidité s’éteigne. Le premier degré et le sérieux des collègues ne faisaient qu’amplifier mon fou-rire. Ce fût le temps qu’il le tempéra doucement et il s’apaisa comme une bougie en fin de vie. Je m’ennuyais. Je crevais d’ennui comme un rat mort plutôt. Pour être complètement honnête, je me faisais chier comme je me suis rarement fait chier dans ma vie. À part subir la playlist chamanique et attendre les effets de l’Ayahuasca, il n’y avait pas grand-chose à faire. Sinon c’est quand que ça devient sympa ? C’est quand qu’on voit des trucs ? C’est quand qu’il se passe quelque chose ? Ça fait bien une heure qu’on poireaute comme des cons. Ça dure combien de temps cette connerie d’ailleurs ?
À part le temps qui prenait bien le temps de me rouler dessus, je ne ressentais strictement rien. Rien. Rien aurait pu être le thème de mon week-end. « Une femme prend une plante hallucinogène pour trouver un sens à sa vie. Et puis rien. ». Allô coucou il y a quelqu’un ? Coucou ? Allôôôôôô. Mme Ayahuasca ? Vous me recevez ? Je suis là, je vous attends, je suis prête. J’ai deux-trois questions à vous poser et j’aimerais savoir si vous pouviez m’aider. Putain. On se fait chier. Ils voient des trucs les autres ? Si ça se trouve les chamanes sont de faux chamanes. Ce sont des repris de justice qui profitent d’âmes perdues et crédules comme nous. Tout ceci n’est qu’une grosse arnaque et nous les gros gogos. Allô coucou ? C’est marrant la lumière de la bougie s’étire comme de la cire qui aurait coulé partout sur la table. C’est super joli. On dirait une étoile de mer gigantesque au fond de l’océan. C’est super joli. Putain on se fait chier. C’est joli mais je suis pas venue regarder une bougie danser moi. C’est ça les effets de l’Ayahuasca ? C’est nul, mais c’est nuuuuuuuuul.
Soudain les deux chamanes se penchèrent sur les bougies. Non pas les bougies ! PAS LES BOUGIES ! ON LAISSE LA VIELLEUSE ! Je sus à cet instant que j’avais fini de ricaner bêtement. Ils soufflèrent dessus et ce fût le noir complet.
John Caffey
- «Ne me mettez pas dans le noir, j’ai peur dans le noir. »
La ligne verte, un film de Frank Darabont