Autopsie d’une histoire ordinaire

 
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“Le destin sait ce qu’il fait. Laissons-le faire son travail.”

Collage littéraire autour d’une histoire d’amour, d’un smoking, de la solitude, du fantasme et de projections cinématographiques. On va recevoir le FBI à la maison, se trouver un hobby, pratiquer un micro-trottoir et essayer de transformer un bermuda en costume trois-pièces. Entre autres.

Promenade de 4 pages, 12 minutes, 2948 mots

On est rarement préparé pour accueillir un raid du FBI chez soi, souvent nous n’avons pas pu passer l’aspirateur ou sortir le service à thé.

Il fût un temps où tu prenais toute la place, tu m’encombrais. Je me sentais ensevelie sous les choses et les chaussettes de l’amour, débordée par sa vaisselle dans mon évier, éreintée par sa lourde et pesante invasion. Il m‘écrasait l’amour, me coupait le souffle l’amour, m’éprouvait le corps l’amour. Il s’était faufilé partout, m’avait inondée, dévastée mon intérieur clair et bien rangé. Il avait envahi tout l’espace, comme si rien n’avait existé avant lui ou qu’un raid du FBI était passé pratiquer une perquisition. Je n’avais rien pu faire. Il est rare que les forces spéciales délivre par voie postale sur un joli carton un indice avec leurs intentions : « Nous passerons à 17h45 ce lundi 14 janvier. Mes meilleures salutations. Agent Mitch ». On est rarement préparé pour accueillir un raid du FBI chez soi, souvent nous n’avons pas pu passer l’aspirateur ou sortir le service à thé. Lorsque le RAID de l’amour a défoncé ma porte et m’a plaquée au sol, j’avais eu la flemme de me laver les cheveux et je portais mon jean « des petites occasions », mon jean de mauvaise volonté pour les journées de pluie ou celles qui sentent les promesses d’ennui.
Sur le sol, la moquette plein la bouche et le genou de l’agent Micth dans les côtes, j’ai réalisé que je n’avais même pas pris de douche.
Lorsqu’ils sont partis, ils ne restaient plus rien, ils avaient pris toutes mes affaires et éclaté celles qui restaient en feu d’artifice. Plus rien n’était à sa place et j’aurais été incapable de me souvenir ce qui avait été à moi et où j’avais bien pu le ranger.

En smoking, rien n’est impossible.

L’amour est venu vivre avec moi dans mon petit deux pièces et l’amour est un colocataire très présent, voir pesant, voire carrément super collant. Je le soupçonne d’être au chômage et de n’avoir aucun hobby. Son seul ami, c’est moi et sa seule passion est de passer du temps avec moi. Il est toujours là à traîner, à squatter la télé, toute la place dans le lit, toutes mes pensées…
Je ne le cache pas au début, c’est vachement sympa. Elle est agréable la compagnie de l’amour, on se sent moins seul, on se sent heureux, on a envie de se laver les cheveux, de sortir son service à thé tous les jours.
Avec l’amour qui squatte le canapé, la vie est en costume trois-pièces. Il est toujours habillé en « grandes occasions », il émerveille avec son smoking de dodo, son costume de sport, son pantalon à pince pour sortir les poubelles, ou encore son déshabillé Nœud papillon, ses caleçons en soie du Japon, et sa moustache toujours impeccablement rutilante…
En smoking, rien n’est impossible. Trouver le courage d’aller à la piscine un dimanche matin de décembre pour t’impressionner, surmonter son dégoût pour les épinards, se surprendre à nettoyer de fond en comble son appartement. Attendre une heure dans la file de la sécurité sociale est un plaisir puisqu’on a l’amour, un déjeuner chez Tatie à Créteil est une fête puisqu’on a l’amour, à quoi bon s’inquiéter du découvert puisqu’on a l’amour !

Nous on est parfaits, jamais tu ne nous enverras une MST et nous partagerons toujours nos frites avec toi.

L’amour est une bonne copine. On bavarde, on bavarde, on se raconte des histoires. On paresse en pensant à toi, on se roule en boule dans la langueur et y passe de grasses et dégoulinantes matinées. On roucoule, on roucoule, nos gloussements complaisants s’encouragent mutuellement. Elle peut rester toute la nuit à parler de moi, m’écouter parler de toi et de nous et regarder encore et encore le film de notre rencontre avec le même enthousiasme euphorisant. On le regarde encore ? On le regarde encore. Trois gros points de suspension.
Notre répertoire s’enrichit de nouvelles œuvres audio-visuelles, nous produisons des long-métrages comme la naissance de nos trois enfants ou notre voyage spirituel en Asie, des clips sur nos ballets du matin ou encore la douceur de pleurer sur ton épaule, des manifestes sur l’amour moderne, une sexualité égalitaire et engagée… On parcourt le monde avec toi, on achète des poireaux sur le marché, on cuisine des crêpes dans ma petite cuisine, tu nous donnes un double de tes clés d’appartement, nous t’offrons une brosse à dent, tu nous encourages à écrire notre livre, tu nous trouves endormies au milieu de notre œuvre, le nez dans le Macbook pro en pleine nuit, tu nous ramènes au lit et nous bordes avec tendresse et fierté, ah ma femme… Tu nous donnes le courage d’être nous-même et de devenir meilleures, nous on n’est pas tout le monde, nous on est différents et il ne nous arrivera jamais ce qu’il arrive toujours aux autres, ceux qui n’ont rien compris, ceux qui disent Jamais et Toujours, ceux qui s’appellent « Chou », ceux qui ne savent pas aimer, ceux qui attendent trop, qui ne donnent pas assez, ceux qui mentent et se mentent à eux-mêmes, ceux qui ne se respectent pas. Bref. Nous on n’est pas des gogos, comme tout le monde. Nous on est au-dessus de tout ça, on est courageux, et sages, et humbles. Nous, on nous la fait pas. On sait. Nous, on les connait les pièges, les écueils, le chemin. Nous on est parfaits, jamais tu ne nous enverras une MST et nous partagerons toujours nos frites avec toi.

Je passe beaucoup de temps avec l’amour, peut-être plus de temps avec ma nouvelle meilleure amie qu’avec toi. Elle ne me déçoit jamais et me réconforte toujours. L’amour a toujours le bon mot qui soulage les tensions et déloge les petites échardes dans le pied. D’accord çà n’était pas exactement ce qu’on avait imaginé ce soir, mais rappelle-toi qu’il faut du temps pour se connaître, pour s’apprivoiser. La foudre ne frappe pas au hasard. Tout arrive pour une bonne raison. Le destin sait ce qu’il fait. Laissons-le faire son travail.

Tu n’as pas envie de le revoir, mais va-t-il te rappeler ?

L’amour te perce à jour et te comprend beaucoup mieux que moi. Tu n’étais pas distant ce soir, tu avais peur. D’une nature avisée, elle pose les bonnes questions. Tu n’as pas envie de le revoir, mais va-t-il te rappeler ? Elle est aussi courageuse et persévérante, elle me rappelle les éléments de l’enquête que nous avions listé et recoupé : Il est gentil, ouvert, généreux, il médite tous les matins. Il peut t’offrir de la stabilité, de l’affection, il a de très beaux cheveux, il est confortable financièrement, il ne se drogue pas, mange des graines et du quinoa. Nous avons noté qu’il est respectueux de l’environnement souviens-toi. L’amour écarte mes doutes, nettoie le goût amer de la déception. Elle me rappelle que tu remplis toutes les cases, que tu es exactement ce que j’avais commandé. Bon, à peu près, si on n’est pas trop regardant. Elle me donne le courage de continuer et la force de persévérer, comme elle. On ne lâche rien, ce serait trop con de refuser un cadeau de la vie parce qu’il fait douze centimètres de moins que sur tes croquis. On ne peut pas mentir à l’amour, elle les connaît nos tendances d’auto-sabotages, notre caractère un peu capricieux, notre découragement facile, notre peur du bonheur et notre manque de confiance en nous. Hein ma petit cocotte ? Tu ne serais pas en train de saboter une belle histoire d’amour là ?

Elle voit plus loin et plus grand que moi. Ma vision s’arrête au bout de mes chaussures, la sienne voyage dans le cosmos et atteint tous les possibles que je ne pouvais saisir. Elle voit à travers les cœurs, le temps, l’espace, les limites, la matière, les nuages, les humeurs… Ma vision est premier degré, la sienne a la souplesse d’un compas et la mobilité d’une danseuse. Elle me sort de ma réalité aplatie de la taille d’une feuille A4 et m’emmène dans la quatrième dimension contempler toutes les réalités alternatives, toutes les formes que nous pourrions devenir, toutes les versions qu’il se cache à l’intérieur de toi, les terres que je pourrais conquérir avec toi. Elle m’ouvre en grand le cœur et m’extirpe de ma boîte à chaussures. Ferme les yeux et regarde. Oui son appartement sent les pieds et son intérieur est aussi convivial qu’un placard à balai, mais regarde plus loin que la cloche à fromages, tu vois le grand appartement du 11ème arrondissement ? les résultats de ton training ménager et décoration ? Tu les vois les fleurs sur la table à manger ? Il a le potentiel pour reconnaître la valeur du vinaigre blanc et le désir d’avoir un intérieur qui sent bon Bach et les fleurs séchées.

Aujourd’hui ça sent les pieds mais demain ? Demain, çà peut sentir l’amour et le bon goût si je te donne une chance, si je me bouche le nez et serre les fesses, si j’y mets un peu de bonne volonté.

Mon amie a réponse à tout. Elle me rappelle que l’amour est un engagement, un acte de foi. Aujourd’hui ça sent les pieds mais demain ? Demain, çà peut sentir l’amour et le bon goût si je te donne une chance, si je me bouche le nez et serre les fesses, si j’y mets un peu de bonne volonté.
L’amour ne marche pas comme du prêt-à-porter, bonjour je voudrais une taille 37, non merci je ne l’achète pas, les jambes sont trop longues et il me serre les cuisses. Non, l’amour c’est de la haute couture, on imagine le costume, on le rêve en grand, on va chiner les plus belles étoffes, on dessine le patron, on passe des nuits sur sa machine à coudre, et encore des nuits à broder, à sertir les pierres précieuses, à ajuster encore la taille et les manches. On se donne du mal pour le construire son amour.
Et si je ne suis toujours pas calmée ni convaincue, elle me sort de sous le tapis son concept amoureux maritime. L’amour c’est comme une vague ma chérie. Tu ne peux pas toujours aimer avec la même intensité, tu ne peux pas toujours vivre en haut de la vague. Parfois, elle s’épuise, elle est aspirée, puis elle renaît plus fort et se déploie sur toi avec une intensité que tu avais oubliée.

Ça fait quand même 6 mois que je suis dans le creux de la vague. Elle renaît quand la vague ? Hein ? Elle renaît quand ?
Je doute de plus en plus de moi. Je m’en remets à elle et ne m’écoute plus. Je ne crois pas en ma capacité de savoir ce que je veux, je ne fais aucun effort, je ne me rends pas compte de la chance que j’ai, je suis ingrate avec la vie, je ne sais pas me contenter de ce que j’ai… Je ne sais pas aimer, d’ailleurs je suis incapable d’aimer, je suis égoïste, égocentrée, je ne pense qu’à mon cul, je ne sais pas jouer collectif…
Toi tu es formidable, un vrai bonheur, quelqu’un de bien, tu mérites ce qu’il y a de meilleur. Le problème c’est moi. Oui c’est moi. Tout est de ma faute. Je ne suis pas faite pour ça. L’amour ce n’est pas pour moi. Je suis cassée. Oui voilà je suis cassée.

Exit le smoking, les mets raffinés, elle traîne en jogging sur le canapé, rote du coca-cola et grignote des surimis avec du comté.

L’amour devient peu à peu une copine encombrante, un peu collante. Elle m’exaspère. Je me mets à filtrer ses appels, ne pas répondre à ses messages. Je lui mens, non je sors ce soir.
Exit le smoking, les mets raffinés, elle traîne en jogging sur le canapé, rote du coca-cola et grignote des surimis avec du comté. Elle parle plus fort que moi, ne m’écoute pas, me vole la parole. Elle prend toute la place, vide mon frigo et ne retire pas ses chaussures pour entrer chez moi. Elle laisse ses miettes partout, ne refait jamais le lit, me fait payer tous ses cafés en terrasse. Elle se montre souvent grossière et malpolie, maladroite, lourde, pesante.
Elle m’épuise ma copine l’amour, m’épuise. Elle me prend toute mon énergie et ma patience.
Je m’enlise, je me perds, je mélange tout, je me prends les pieds dans le tapis et n’arrive plus à me relever. Je me pose tellement de questions que l’amour n’a plus le temps, ni l’énergie pour me répondre.
Pourquoi je n’arrive pas à t’aimer alors que sur le papier tu es exactement ce que je veux ? Le concept de l’amour c’est bien pour être heureux non ? Pourquoi je suis malheureuse alors que je devrais être au top du bonheur ? Comment on sait quand on aime ? Et c’est quoi l’amour d’ailleurs ? Quelqu’un sait ou pas ?

Je deviens méchante avec toi, je me transforme en mégère, en sorcière, en vilaine. Je ne suis plus qu’un demi-sourire et des yeux absents. Je m’échappe loin derrière mon regard vitreux et te laisse un fantôme à nos rendez-vous. Je ne ris plus, je ne vis plus, je n’ai plus envie. Je ne suis plus là, je n’ai plus envie d’être là mais je suis incapable de te lâcher la main et te laisser partir. Reste… Cà ira mieux demain… Qui sait ? La vague reviendra peut-être… J’ai entendu quelque part, je ne sais plus où, qu’on a vu souvent rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux. Si je te promets. True story.
J’ai peut-être peur d’être seule aussi. Elle me rote dessus et mange toutes les chips ma copine l’amour mais elle a le mérite d’être là et de me tenir compagnie.
Il ne me reste plus qu’une certitude, je ne sais pas si je t’aime mais je sais que je ne suis plus amoureuse de moi.

J’ai enquêté dans tout Paris pour sauver notre amour et redevenir celle que j’avais jadis aimé. J’occupais mes journées à faire des micros-trottoirs, obsédée par cette question qui refusait de me donnait une réponse : « C’est quoi l’amour putain de bordel de merde ? ». Personne n’a su me l’expliquer clairement, comme si les mots n’existaient pas ou qu’ils s’échappaient dès que l’on s’approchait d’eux. La seule constante dans mes innombrables interviews demeurait obstinément mystérieuse : quand on aime, on le sait. C’est tout.
J’ai sombré dans la folie et me suis noyée dans la vague. Je ne m’aimais définitivement plus.

Ce n’est pas moi le problème. Ce n’est pas toi non plus. J’ai voulu transformer un bermuda en costume trois pièces. Quand ça ne rentre pas, ça ne rentre pas. C’est tout.

Et puis un matin, après des semaines de dérive la tête sous l’eau, c’est sorti tout seul.
Je n’étais plus harcelée par les questions qui me demandaient des comptes sur l’amour ou pourquoi je n’étais pas heureuse, il ne restait qu’une seule chose à la surface, je ne t’aime pas.
Ah. La tuile. Je l’ai dit tout haut. Flûte. Je n’avais pas envie que ça se sache, que je le sache… Je ne t’aime pas. Je ne suis pas amoureuse de toi.
Le voile de l’illusion auquel je me raccrochais comme si ma vie en dépendait, est tombé d’un coup. Après la stupeur et le malaise de la vérité est venu le soulagement. Il efface toutes les questions sans réponses, la culpabilité et les flagellations sans fin. Ce n’est pas moi le problème. Ce n’est pas toi non plus. J’ai voulu transformer un bermuda en costume trois pièces. Quand ça ne rentre pas, ça ne rentre pas. C’est tout.
Je m’étais bien dit que ça me serrait les cuisses pourtant, mais je préférais croire que savoir.
Je suis tombée amoureuse de ce qui pourrait être et n’existait pas. Tu étais un objet pour rêver et ce que je pensais être une opportunité pour sortir de la boîte à chaussures.
J’avais mal vu ou choisi de ne pas voir. Le smoking était un jogging et les chaussettes étaient trouées.
Je me sentais seule et j’avais besoin de rêver. Tu étais là, sous mon nez, tu avais envie de moi alors que je ne me désirais plus. J’avais besoin de toi pour être amoureuse de moi, de ton regard pour me regarder. T’aimer c’était me trouver belle, « funny and sexy », me sentir désirable, assez. Parfaite. C’était tellement tentant de donner un jouet à ma solitude pour détourner son ennui. C’était facile, à portée de main.

Mon amie encombrante s’est évaporée comme si elle n’avait jamais existé, comme si le FBI n’avait jamais débarqué chez moi et éclaté tout mon intérieur en feu d’artifice. J’ai pu lâcher ta main avec tendresse et nous délivrer de l’enchantement dans lequel nous nous étions enfermés.
Parfois, il me manque un peu l’amour en costume trois pièces, elles me manquent les promesses et les tours de magie, il me manque mon hobby pour occuper ma solitude. Mon appartement fait vraiment vide sans ma bonne amie qui parlait trop fort et squattait mon canapé, sans les projections cinématographiques de mes fantasmes et nos longues discussions jusqu’au bout de la nuit.

Je retrouve mon intérieur, mon dedans bien rangé et mes affaires à l’endroit. C’est grand là-dedans, je ne m’en souvenais pas. Je suis surprise et saisie par l’espace et le temps disponibles, nus devant moi. Il a toujours été aussi grand mon appartement ?
Je suis soulagée de me retrouver chez moi. Comme après un long voyage, retrouver sa maison présente un certain réconfort. J’ai huit ans, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps sur le quai de gare au retour de la colo, infiniment triste que tout soit fini et à la fois émerveillée et soulagée de retrouver ma chambre que je ne soupçonnais pas m’avoir autant manquée.
Toutes les questions ont disparu, sauf une. C’est quoi l’amour ? Je vais continuer d’enquêter et j’ai déjà quelques pistes à suivre. Peut-être commencer par me préparer un bon thé et me souvenir de mon gâteau préféré. Me promener dans toutes ces pièces oubliées. Me remplir autrement, retrouver et ranger mes affaires, m’aménager des fleurs au balcon, inviter des plantes vertes dans mon salon, jardiner mes projets et mes désirs, reprendre le livre que j’étais en train de lire lorsque je t’ai rencontré et avais abandonné sur le lit, prendre enfin le temps d’écrire mon roman… Entre autres.

« Bien entendu, le véritable amour est exceptionnel, deux ou trois fois par siècles à peu près. Le reste du temps, il y a la vanité et l'ennui. »

La chute, Albert Camus

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