Jouir Collectif

 
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‘‘On n’est pas là pour prendre du plaisir, on est là pour jouir. Nuance.”

Collage littéraire autour d’une culotte, la sémantique de la jouissance, le pédiluve, la joie et la promenade. On va se découvrir un superpouvoir, jouir libre et authentique, plonger dans la piscine olympique, et une fois n’est pas coutume, rester tout habillés. Entre autres.

Promenade de 5 pages, 15 minutes, 3419 mots

Aujourd’hui on va parler sujet qui fâche, sujet tabou … On reste sur le même thème gênant, je ne sais écrire que sur celui-là d’ailleurs : l’amour. Mais on va l’attraper par une autre jambe et le déshabiller un peu plus. Aujourd’hui, on jouit.

Je vous invite à pratiquer une petite expérience de chimie sociale, essayez de placer le mot « Jouir » dans n’importe quelle conversation et contexte et vous obtiendrez le même résultat navrant et décevant.

Je vous invite à pratiquer une petite expérience de chimie sociale, essayez de placer le mot « Jouir » dans n’importe quelle conversation et contexte et vous obtiendrez le même résultat navrant et décevant. Essayez, vous verrez. Soyez audacieux surtout, ne vous limitez pas à votre cercle d’amis rassurant et explorez différentes faunes, en plein milieu d’une boucherie la prochaine fois que vous irez acheter votre jambon, le dimanche au milieu du gigot de Mamie, à la cantine de la Cogip…

Suivant le public, vous obtiendrez différentes réactions. Si vous prononcez le mot qui fâche devant des enfants, on vous regardera comme si vous vous aviez prononcé un gros mot. Devant un public adulte et avisé, vous récolterez quelques ricanements un peu salaces, des gloussements bêtes, et il y en aura toujours un pour vous demander si vous êtes plutôt vaginale ou clitoridienne. J’exagère peut-être un peu, mais ça me faisait jouir. Pardon, rire.
Invariablement, vous créerez toujours la surprise. Nous ne sommes pas habitués à entendre ce mot hors du contexte auquel il est injustement attribué, ni à en parler et surtout à jouir en public. Pour jouir et en parler, il faut que tout le monde soit consentant. Et averti. Attention, le CSA de la vie vous informe que ce qui va suivre peut contenir des propos à caractère cochon et choquant.

On ne peut pas parler jouissance comme ça avec le premier venu sans préliminaires. Vous risqueriez d’être étiqueté injustement aguicheuse ou allumeuse, parce que jouir est connoté « cul ». Le sexe a détourné son sens et l’a réduit à une finalité. Il n’y aurait qu’un seul contexte pour jouir, le sexe et qu’un chemin, la pénétration. Il est intrinsèquement lié à l’orgasme, pourtant ce n’est que le troisième sens commun dans le Petit Robert, le premier étant : « Avoir du plaisir ».

On pourrait croire que le plaisir est libre et léger, et pourtant il a son langage réglementé et son protocole administratif bien lourd.
On ne peut pas parler jouissance comme ça avec le premier venu sans préliminaires. Vous risqueriez d’être étiqueté injustement aguicheuse ou allumeuse, parce que jouir est connoté « cul ». Le sexe a détourné son sens et l’a réduit à une finalité. Il n’y aurait qu’un seul contexte pour jouir, le sexe et qu’un chemin, la pénétration. Il est intrinsèquement lié à l’orgasme, pourtant ce n’est que le troisième sens commun dans le Petit Robert, le premier étant : « Avoir du plaisir ».
Il est cependant possible d’utiliser les mots « jouissif » ou « jouissance » pour raconter un grand plaisir sans se faire détourner son propos et rester ainsi dans un cadre acceptable, « jouir » quant à lui franchit presque toujours la zone rouge et reste l’otage de l’orgasme. On peut dire aussi avoir « kiffé » quelque chose, si on rajoute « grave » juste derrière, et un bon petit « Putain », on témoigne d’un haut niveau de jouissance. Plus élégamment, on peut aussi avoir « apprécié », « avoir pris du plaisir », « aimé » une rencontre, un moment, un film… Attention toutefois à trouver un juste milieu dans le témoignage de sa jouissance. « Apprécier » pourrait selon les occasions être le « Cordialement » du plaisir, une formule molle, vide et plate de norme sociale, et « avoir pris du plaisir » pourrait être un peu trop enthousiaste, comme envoyer un bisou à son patron à la fin d’un mail.

Fait curieux, « réjouir » quant à lui n’a pas été contaminé par le sexe, il est resté sagement dans son cadre sémantique d’enchantement et d’amusement. On entend très rarement « Attention chérie, je vais te réjouir ». Ce n’est pas un divertissement le sexe, c’est une affaire sérieuse qu’on ne mélange pas avec la joie. On n’est pas là pour prendre du plaisir, on est là pour jouir. Nuance.

La jouissance se désire spontanée mais il existe paradoxalement des occasions où l’on est sommé de jouir. Dans le sexe, à l’ouverture d’un cadeau, au cours d’un dîner, à l’annonce d’une bonne nouvelle… Ne pas le faire serait considéré comme carrément désobligeant et malpoli, voire même comme un délit selon le code pénal du droit du Plaisir.
En plus du contexte légal, il existe une pression sur la qualité de l’orgasme parce que le plaisir est ingrat et n’a qu’une mémoire à court-terme. Il suffit que le dessert fût trop amer, la pénétration ratée, ou un épisode final d’une saison d’une série en queue-de-poisson pour que le plaisir soit considéré comme nul et non avenu. Si le voyage n’est pas scellé par un orgasme, alors tout est gâché et le plaisir de la soirée n’est pas considéré comme suffisant pour faire oublier la débâcle du bouquet final.

Un plaisir contrefait ou sur-joué est peut-être encore plus grossier et répréhensible qu’un plaisir authentique mais hors contexte légal. Il faut jouir ! Et jouir vrai, bien et fort. Ah, et si on peut jouir vite c’est un plus. Çà fait toujours plaisir. La jouissance qui prend son temps pourrait passer pour un traîne-savates ou un manque d’enthousiasme évident.

De même, jouir sans preuve ça ne compte pas. On a besoin de la pièce à conviction numéro 1 expertisée par un jury et constatée par un assesseur : A joui !, le sperme sur le drap, le cri, la larme sur la joue, le rire qui éclabousse, les yeux au ciel pour souligner la divinité de la sauce… Jouir c’est avoir un orgasme et l’orgasme demande des preuves pour être validé, pour mériter le tampon Label Certification Qualité.
Et puis on n’est pas à l’abri d’une petite simulation, faire semblant de s’amuser, de passer une bonne soirée, d’être passionné par la conversation, ah super j’adore les choux de Bruxelles, oui mon amour le clitoris c’est près du genou.
Un plaisir contrefait ou sur-joué est peut-être encore plus grossier et répréhensible qu’un plaisir authentique mais hors contexte légal. Il faut jouir ! Et jouir vrai, bien et fort. Ah, et si on peut jouir vite c’est un plus. Ça fait toujours plaisir. La jouissance qui prend son temps pourrait passer pour un traîne-savates ou un manque d’enthousiasme évident.

Dans la coercition à jouir, tout le monde est concerné, autant celui qui doit faire jouir que celui qui doit jouir. Parce que le plaisir est prisonnier de la honte, nous sommes à la merci d’être suspecté et accusé d’impuissance des deux côtés de la jouissance.

Dans la coercition à jouir, tout le monde est concerné, autant celui qui doit faire jouir que celui qui doit jouir. Parce que le plaisir est prisonnier de la honte, nous sommes à la merci d’être suspecté et accusé d’impuissance des deux côtés de la jouissance. Et quoi de plus honteux et répréhensible qu’être impuissant ? J’ai cherché longtemps, je n’ai toujours pas trouvé.
Le tribunal de la jouissance est en plus très binaire et ne s’embarrasse pas d’enquêtes ou de recherches. Le verdict est aussi rapide que doit l’être un orgasme agréé et validé. Ne pas avoir joui signifie s’être ennuyé, ne pas sourire c’est faire la gueule, retenir un Je t’aime c’est ne pas aimer, ne pas avoir ri avec les dents et un son guttural audible c’est n’avoir aucun humour, refuser un shot de tequila c’est ne pas savoir faire la fête, aimer se coucher à 21h avec une soupe et un livre c’est ne pas savoir s’amuser… Entre autres.

Le premier sens de Jouir était pour moi complètement différent de la version officielle du Petit Robert : Prendre du plaisir et de la version officieuse pourtant la plus répandue : Avoir un orgasme. Ma définition de Jouir a longtemps été : Faire plaisir.

J’ai beaucoup pataugé dans les paradoxes de la jouissance. Je la pressentais aussi vaste qu’une piscine olympique et pourtant je n’arrivais pas à sortir du pédiluve de la pression sociale. Un de mes plus grands paradoxes personnels ne m’a pas non plus aidée à me libérer de la prison du bain de pieds, je n’ai jamais aimé qu’on me dise ce que je devais faire tout en souffrant en asymétrie d’une politesse maladive. Ma maladie n’était pas remplie que de courtoisie et de savoir-vivre. La seule jouissance que je voyais et désirais était d’être aimée, alors je voulais surtout être agréable à l’autre parce que je voulais lui faire plaire et mériter ainsi son amour. Je pensais qu’être aimée était d’abord une question de devoir, il fallait suivre la feuille de route que la pression sociale m’avait vendu comme seule carte du territoire. Je n’ai jamais aimé que l’on me dise ce que je devais faire mais quand il s’agissait d’être aimée, validée et reconnue, j’étais prête à m’asseoir sur mon indépendance et croire que la carte du territoire était la carte du monde.
J’ai beaucoup étouffé mon indépendance et ma liberté pour ne laisser parler que ma politesse, et en le faisant, j’ai perdu tout mon plaisir. En voulant absolument être aimée, j’ai oublié d’aimer, et en ne pensant qu’au plaisir de l’autre, j’ai oublié de jouir.
Le premier sens de Jouir était pour moi complètement différent de la version officielle du Petit Robert : Prendre du plaisir et de la version officieuse pourtant la plus répandue : Avoir un orgasme. Ma définition de Jouir a longtemps été : Faire plaisir.

Comme être aimée, Jouir n’était pas une question de pouvoir mais une question de devoir.
Alors pour « Faire plaisir », je suis restée à des soirées où je m’ennuyais, j’ai ri à des blagues que je trouvais mauvaises, écouté avec le masque de la passion des monologues sur des sujets qui ne m’intéressaient pas, j’ai enlevé ma culotte quand j’avais juste envie de la garder, j’ai bu de l’alcool alors que j’avais envie d’une tisane « Nuit calme », j’ai regardé des heures entières des photos de vacances floues moches et pluvieuses, j’ai partagé mon cheesecake et donné le plus gros bout, cédé la place que j’aimais le plus dans le lit. J’ai sacrifié, renoncé, oublié, caché sous le lit, simulé, menti, triché, abandonné, laissé faire… J’ai distribué de faux sourires, offert des baisers contrefaits, ma présence vide et absente, servi des pensées déguisées… Je ne faisais plus avec désir, joie ou plaisir, je faisais parce que je devais le faire. J’ai menti. Beaucoup, sincèrement et avec ce que je pensais être de l’amour.

Comme toute découverte fondamentale de l’existence, on en prend conscience qu’une fois ses cartons déballés chez nous. Elle habitait déjà chez moi avant même que je ne la remarque. J’ai commencé à retrouver du plaisir à travers une série de promenades et d’aventures, mais je n’en ai pris conscience qu’avec l’homme que j’appelle mon Promeneur.

La vie aime la rigolade et les paradoxes, et sur cette histoire-là je dois bien admettre qu’elle s’est fait plaisir. On pourrait l’appeler : « Le jour où j’ai joui toute habillée ». Toute la beauté de cette histoire réside dans ce paradoxe, c’est lorsque j’ai refusé d’enlever ma culotte que je me suis réapproprié mon plaisir et que j’ai redécouvert la jouissance.

Par plusieurs concours de circonstances, j’avais décidé que je n’enlèverai pas ma culotte cette fois-ci. Mon premier élan étant de l’enlever à la première occasion, je n’avais jamais tenté l’expérience, pour plusieurs raisons qui avec le recul m’apparaissent comme complètement absurdes, ma politesse maladive, pour faire plaisir, pour être aimée, parce que le pédiluve, parce que j’imaginais que c’était ce qu’on attendait de moi, parce qu’il faut, parce que je dois, parce que je suis impatiente, pour rendre hommage au désir de l’autre, parce que je l’avais bien cherché, parce que je me sentais seule… Entre autres.
En écrivant ces lignes, il m’apparaît une vérité difficile à écrire, rares ont été les fois où la seule et unique raison aura été : parce que j’en avais vraiment envie.
Pour la première fois, j’avais tenu une promesse importante pour moi, j’avais respecté mon intention et mon désir. J’avais gardé ma culotte. Coûte-que-coûte, envers et contre tout, malgré tout le torrent de désir, la pression et l’incompréhension des copains dans le pédiluve. Je me suis accrochée à ma culotte comme si ma vie en dépendait. Et quand Saint-Pierre me demandera devant les portes du Paradis pour un petit bilan post-existence terrestre : « Quelle aura été une de vos meilleures décisions Madame Sarah ? ». Je lui répondrais sans hésitation : « Avoir gardé ma culotte M. Pierre… Avoir gardé ma culotte… ».

En rétrécissant les possibilités par le simple fait de garder ma culotte, je n’allais pas « jusqu’au bout », j’allais encore plus loin, je rencontrais de nouveaux royaumes inconnus. Je découvrais que le bout n’existait pas.

Après un premier rendez-vous amoureux, les deux premières questions posées, celles qui supplantent toutes les autres, sont généralement : Sexe ou pas ? Et la cruciale : Tu as joui ?
Dans la carte du territoire « Classique », si aucune partie génitale n’est impliquée, ce n’est pas du sexe. C’est tout juste si on peut appeler ça des préliminaires mais certainement pas du Sexe. Et si le sexe n’a pas été clôturé par un orgasme, il y a obligatoirement « problème ».
Forcément avec ma ceinture de chasteté, je sortais du cadre légal classique. On avait beau débattre et me répéter que NON Sarah, si on ne va pas « jusqu’au bout » ça n’est pas du sexe !, j’avais au contraire le sentiment que ma carte du territoire s’élargissait. En rétrécissant les possibilités par le simple fait de garder ma culotte, je n’allais pas « jusqu’au bout », j’allais encore plus loin, je rencontrais de nouveaux royaumes inconnus. Je découvrais que le bout n’existait pas.

Alors il ne m’a pas fait jouir comme il aurait aimé me faire jouir mon Promeneur, et comme il est convenable et hautement recommandé pour un homme de faire jouir une femme, mais il a fait plus grand que ça, il m’a dévoilé et offert deux trésors : la joie et la promenade.
Cet homme avait un sens inné de la promenade. Il ne courait jamais, ne s’impatientait pas, ne se pressait pas. Il aimait se perdre, essayer de nouveaux chemins, voyager sans but ni terminus. Il se promenait juste pour le plaisir de se promener et non pour l’orgasme de l’arrivée qui marque la fin du plaisir.
Avec lui j’ai vidé mon sac-à-dos. Il arrivait à me faire croire que le voyage serait super avec rien, sans mes trois shampoings et mes dix tenues de rechange. Et il l’a été. Le sac à dos vide et avec un enthousiasme inébranlable, il jouissait de tout de ce qu’il trouvait sur son chemin. Il pouvait s’émerveiller sur un œuf, se retourner sur une odeur et changer d’itinéraire pour la suivre, errer sans jamais se décourager. Il maîtrisait l’art de perdre son temps et celui d’improviser.
Il arrivait à voir l’appel de l’aventure dans des choses que mon dédain et mon snobisme n’auraient pas pris le temps de regarder. Il avait le pouvoir d’appeler et créer l’aventure, et de produire de la grâce et de la magie, avec les seules affaires qu’il avait gardées dans son sac à dos, sa joie et sa curiosité. Tout se transformait en promenade et en aventure avec lui, l’érotisme, la nudité, le quartier de Belleville, la cuisine, les conversations, le flirt…
Chaque histoire est unique mais celle-ci aura été vraiment particulière. Quand je pense à lui, je me souviens avoir beaucoup ri, beaucoup joué et beaucoup dansé. Je me souviens surtout avoir joui comme rarement j’ai joui. Sans pression, sans obligation, sans devoir, sans orgasme. Juste avec une culotte dans mon sac à dos.

La jouissance a ceci en commun avec la vérité, elle ne cherche pas à plaire, elle est. Et elle avait été silencieuse, secrète, habillée et invisible. Parfaite.

J’étais allée à contre-courant, à l’exact opposé de ce qu’on attendait de moi. J’avais déclenché une incompréhension totale et des débats affolés dans le pédiluve. J‘avais déplu aussi. Mais je m’en moquais, j’avais aimé, dansé et beaucoup ri. Je m’en moquais parce que j’avais joui.
La jouissance a ceci en commun avec la vérité, elle ne cherche pas à plaire, elle est. Et elle avait été silencieuse, secrète, habillée et invisible. Parfaite.
Bon, un orgasme c’est toujours sympa et je n’irai pas non plus lui dire non merci, mais je venais de réaliser que si on réduisait le plaisir à celui-ci, à un espace-temps bref et intense, il ne restait plus grand-chose et on pouvait surtout en oublier le plaisir de jouir.
J’ai plongé dans la piscine olympique. Jouir n’est pas seulement une fulgurance ou une secousse, ce n’est pas une étape et encore moins l’étape finale, c’est aussi un mouvement, un état, une promenade. Jouir ce n’est pas tout lâcher, c’est aussi retenir.

Aujourd’hui, j’assume complètement et qu’importe si cela déplaît. Je suis une jouisseuse. Je suis une fille facile du plaisir. Je n’y peux rien, j’ai été faite comme ça. Il y a ceux qui sont nés avec des compétences pour les chiffres, la musique, le bâtiment ou la santé, moi j’ai été conçu pour jouir. Et la seule chose qui m’intéresse et donne un sens à ma vie, c’est jouir. Jouir aura d’abord été une obligation et un devoir, puis un pouvoir, et en écrivant ces mots je m’aperçois qu’il est mon superpouvoir.

Pour la beauté de l’histoire, j’ai écrit avoir plongé dans la piscine, mais cela ne s’est pas passé exactement comme ça. Il y a eu le tonnerre de la révélation mais la foudre ne m’a vraiment touchée qu’après plusieurs étapes et encore quelques milliers de petits pas…
Depuis le tonnerre de mon promeneur, j’ai entrepris de faire mon coming-out. Je ne pouvais plus revenir vivre dans le pédiluve, il me fallait m’assumer pour enfin jouir complètement et librement. Et plus que jouir librement, me donner le droit de jouir signifiait reconquérir et posséder ma joie. Aujourd’hui, j’assume complètement et qu’importe si cela déplaît. Je suis une jouisseuse. Je suis une fille facile du plaisir. Je n’y peux rien, j’ai été faite comme ça. Il y a ceux qui sont nés avec des compétences pour les chiffres, la musique, le bâtiment ou la santé, moi j’ai été conçu pour jouir. Et la seule chose qui m’intéresse et donne un sens à ma vie, c’est jouir.
Jouir aura d’abord été une obligation et un devoir, puis un pouvoir, et en écrivant ces mots je m’aperçois qu’il est mon superpouvoir. Ma capacité à jouir est puissante et infinie.
Manger la musique, danser l’émotion, caresser les mots, jouer avec le sens, écrire des formes, poursuivre des idées, déguster les bouches, un mouvement, une chanson, me promener dans un menu dégustation, être émue par une soupe de lentilles, pleurer pour un brocoli, regarder de la musique, écouter le beurre sur un pancake, laisser flirter mes pieds avec un tapis agréable, attraper des mots avec mon filet à papillon, surfer sur les corps…
J’aime autant écouter vingt fois de suite la même chanson en boucle que de tomber amoureuse d’une nouvelle. J’aime autant la fulgurance que la lenteur, la violence et la délicatesse, le feu d’artifice et le flirt. Enlever ma culotte et la garder.
Je jouis comme je veux, où je veux, comment je veux. Je jouis en faisant la gueule, dans mes pages, dans un éclat de rire, dans un soupir. Je jouis mon chagrin, ma joie, mes dîners, mes écarts, mes coups de foudre. Parfois je ne jouis pas, et c’est parfait comme ça.

Aujourd’hui, j’ai envie de plonger à corps perdu dans l’océan, j’ai envie de jouir collectif. C’est bien joli de posséder ma joie, mais j’ai maintenant envie de la partager. J’ai envie de partager ma jouissance et de réjouir à mon tour. J’ai envie de partager mes jouets et jouer avec les autres. J’ai envie de savoir ce qui les fait jouir et leur proposer de jouir avec moi.

Je pensais avoir fait le tour de la piscine olympique. Je pensais la connaître et maîtriser assez bien mon nouvel espace de liberté. Je me trompais, je n’ai pas du tout fait le tour et je ne maîtrise rien du tout. La vie a décidément beaucoup d’humour et le sens de la surprise, la piscine olympique est en réalité un océan et j’ai à peine mis mes pieds dedans.
Jusqu’ici j’ai joué assez perso. Très perso même. Je me cachais pour jouir, je dissimulais mon super-pouvoir et mon art de vivre. Je retenais pour moi tout mon plaisir. Je gardais mes pages, mes découvertes, mes mots, mes histoires, mon fromage, mon tango, mes lacunes, mon ignorance, mon expérience, mon temps, mes chagrins, et toutes mes joies…
Aujourd’hui, j’ai envie de plonger à corps perdu dans l’océan, j’ai envie de jouir collectif. C’est bien joli de posséder ma joie, mais j’ai maintenant envie de la partager. J’ai envie de partager ma jouissance et de réjouir à mon tour. J’ai envie de partager mes jouets et jouer avec les autres. J’ai envie de savoir ce qui les fait jouir et leur proposer de jouir avec moi.
Je peux commencer par offrir ma propre définition de Jouir et un petit manifeste de Savoir-Jouir, pour le plaisir.
JOUIR : 1. Sens de Sarah Q. Vivre dans la grâce, Art de vivre
Jouir Authentique, Jouir Libre, Jouir Collectif !

C’est je crois le texte le plus compliqué que j’ai écrit. J’ai piétiné sur celui-ci. Je l’ai même un peu boudé. J’ai avancé mollement et sans conviction sur plusieurs jours. J’ai aussi eu beaucoup de mal à trouver la chute. Je pensais finir sur une accroche plus impertinente, à moitié poétique et à moitié provocante, du type : Tu veux jouir avec moi ?. Mais rien ne sonnait juste. Ce n’est que le jour où je me suis dit : « Ma pauvre Sarah, tu ne peux pas finir sur un orgasme raté » que la grâce s’est produite. J’ai pu jouir et « aller jusqu’au bout » de ma promenade.
Finalement, ce ne sont pas les orgasmes que m’ont offert les hommes que j’ai aimé dont je me souviendrai, et qui habiteront mes bocaux à souvenirs préférés. Les seuls souvenirs qui resteront et ceux que je choisis de garder précieusement sont tout autres. Dans la catégorie de bocaux scellés et étiquetés 5 Cœurs, on trouve plutôt notre « Lalaland » personnel sur la place de la République, le romantisme farfelu de la bague en plastique que tu m’as passée au doigt sur la ligne 2 accompagné de ces mots : « Tu as les doigts qui ressemblent à des carottes », nos balades nocturnes sur un seul Velib’, les heures que j’ai passées à côté toi à te désirer, notre vie bohème rue Saint-Maur, nos retrouvailles tous les jours à 18h au métro Alma-Marceau… Parce que non seulement c’est peut-être le meilleur remède à l’impuissance que j’ai trouvé, mais c’est aussi la seule chose qui restera : la joie.

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